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Les raisons de ma démission de la Commission Nationale

Le 24 septembre, j’ai communiqué ma démission à Nicolas Metay, Président de la FFSavate, et à Josefina Perez-Digon, responsable de la Commission Nationale de Canne de Combat et Bâton après dix mois de participation laborieuse.

TL;DR

  • trop de problèmes formels : méthodologie, absence de discussions, oligarchie
  • trop de problèmes de fond : appauvrissements tactiques, sexisme, mépris
  • conséquence : la rupture était inéluctable

Un peu de contexte

Je pratique la canne de combat et le bâton depuis maintenant 16 ans, je me suis intéressé peu à peu aux coulisses du fonctionnement fédéral en devenant moniteur, puis en me rapprochant du CD SBF 75, de la Ligue IDF de Savate en devenant CTL CCB en 2012 et enfin du Comité National (du temps où il existait encore) et de la Fédération en intégrant des Commissions Nationales.

J’avais déjà eu l’occasion de démissionner d’une précédente commission au sein de laquelle toute activité avait disparu ; je démissionne de celle-ci parce qu’il s’y passe trop de choses.

Attention néanmoins, le but de cet article n’est pas de discréditer des personnes (je mentionnerai le moins possible les autres membres), mais plus d’expliquer de manière objective et, tant que faire se peut, constructive, les raisons de ma démission.

I. Un engagement de longue durée

Cela fait quelques années déjà que je me suis investi au niveau national : Commission Internationale dans un premier temps, puis Commission Technique et Commission Compétitions jusqu’à 2024. Après la dissolution du CNCCB en avril 2024, j’ai continué « en off » avec cette dernière commission pour pouvoir assurer la continuité et la bonne organisation des rencontres nationales jusqu’à la rentrée de septembre et surtout jusqu’à la nouvelle élection fédérale en novembre.

En décembre 2024, j’ai été contacté par Mathieu Guerry, lui-même mandaté par Josefina Perez-Digon, pour intégrer la Commission Nationale de Canne de Combat et Bâton. Après des échanges relativement rationnels et courtois (quelques mois avant j’avais même accepté la proposition de Mathieu d’intervenir à Libourne pour un stage orienté compétition), j’ai décidé d’accepter, avec un rôle officieux de « chargé de la formation ». J’ai pris cette décision à la fois en raison de mon expérience au sein de telles commissions, mais également pour tenter d’apporter une pierre à l’édifice de cette nouvelle équipe dont je n’avais idée de la composition, mais qui semblait vouloir apporter des nouveautés à la discipline. Une sorte de « pourquoi pas, pour voir ».

J’ai assisté à toutes les réunions, j’y ai même participé de manière active, intégré plusieurs groupes de travail (banque de données d’images, fusion des règlements), ai également participé aux échanges par email, bref je ne pense pas avoir été très inactif durant les premiers mois d’existence de cette Commission.

II. Des problèmes de forme : une méthode de travail contestable

Un des premiers défis que doit relever une toute nouvelle équipe est celui de l’organisation interne : les rôles de chacun, le rythme de travail, la répartition des tâches. Si on peut excuser une jeune équipe pendant quelques semaines, voire quelques mois le temps qu’elle prenne ses marques, cette excuse a fini par s’éroder au fil du temps tandis que les premières déconvenues ont commencé à apparaître.

Ordres du jour surchargés, durée de réunion toujours très sous-estimée, documents nombreux envoyés deux jours avant la réunion, annulation de réunion sans préavis, annonce de changement d’heure de réunion le jour-même, invitations non envoyées à tous les membres… Pris séparément, cela pourrait être tolérable, mais la répétition a rapidement été lassante. J’ai réclamé à plusieurs reprises que les documents de plusieurs pages sur lesquels nous devions discuter soient envoyés plus de deux jours avant la réunion, j’ai averti que les ordres du jours étaient probablement trop chargés pour tenir une heure ; rien n’a changé.

Trois d’entre nous étions de « l’ancienne équipe », celle du CNCCB avant sa dissolution, celle de la précédente mandature. Si je n’ai pas toujours été d’accord sur le fond avec Céline Daul-Mechouar, je ne peux pas lui reprocher d’avoir su installer des conditions de travail propices au fonctionnement des commissions. Celles-ci étaient relativement autonomes dans leur organisation, tant qu’elles soumettaient au final leurs propositions devant le Comité Directeur, propositions qui étaient ensuite discutées, acceptées ou, si besoin, retravaillées et amendées. C’est ce qui pourrait s’apparenter à un fonctionnement sain d’une assemblée démocratique.

A l’opposé, des dysfonctionnements de fonctionnement n’ont cessé de se multiplier : création de groupes de travail sans préavis et sans avertir le reste de la Commission, intégration de nouveaux membres sans vote préalable, rythme soutenu des réunions justifiant une absence de débats, proposition de soumettre au vote chaque point de discussion non tenue, tels ont été les conditions de travail durant ces quelques mois.

En juin, le rythme des réunions s’est accéléré. À la fois dans le délai entre deux réunions (il y a eu des réunions les 25 mai, 1er juin, 9 juin, 11 juin, 13 juin) mais également dans le besoin d’aborder un maximum de points en un minimum de temps (14 points en 1 heure) pendant les réunions. Le maître-mot était, répété à plusieurs reprises :

« Nous ne sommes pas là pour gloser, nous sommes là pour avancer ».

Commission Nationale CCB, juin 2025

Les discussions ont alors été écourtées, les votes oubliés et j’ai finalement constaté l’apparition d’un sentiment d’impuissance ou d’inutilité de mes contributions, puisque les membres de la Commission ne semblaient plus être présents que pour acquiescer et voir passer les points à une cadence infernale les uns après les autres.

Ce qui a fini de faire brûler la poudre d’escampette, c’est lorsque j’ai dû « réclamer » une réunion de rentrée le 18 septembre après n’avoir reçu aucune nouvelle de la Commission pendant plus de deux mois. La réponse n’est arrivée qu’une semaine plus tard, à la fois agressive à l’encontre de la Présidence de la Fédération (qui passait par là on ne sait pas trop pourquoi) et d’un autre membre de la Commission qui avait simplement posé des questions sur les avancements de cet été, et très laconique sur les informations qui devraient arriver suite aux travaux estivaux des groupes de travail (dont la plupart des membres de la Commission n’avait pas entendu parler). Bref le taux d’agressivité et d’opacité semblant toujours au maximum, j’ai décidé de plier bagages et de me résoudre à ne plus pouvoir tenter de modérer les désaccords de fond de l’intérieur.

III. Des désaccords de fond : une vision différente de la discipline

Depuis que j’ai commencé à m’investir dans la canne, je n’ai cessé d’en découvrir la profondeur tactique, et cela continue encore aujourd’hui : jeu sur les intentions, une quantité de feintes incroyable (feintes d’attaques, feintes de corps, feintes de regard, feintes d’intention…), des stéréotypes de tireurs à détecter, à contrer, à incarner. Dans cette optique, les quatre composantes de la compétition sont présentes : technique, tactique, physique et mentale.

Or, très récemment, une politique totalement différente semble émaner de la Commission : celle d’en faire un sport « potentiellement dangereux » en revenant à une pratique supposément plus en phase avec le concept originel posé par Maurice Sarry. Le problème avec une approche où les attaques sont « potentiellement dangereuses », c’est que la tactique va se limiter à prendre le moins de risque possible et à éviter soigneusement de prendre des touches. C’est certes une vision de la canne, mais ce n’est pas la mienne.

D’ailleurs, en ce qui concerne la réduction tactique des règlements, la volonté de supprimer les touches posées, de limiter un maximum la fausse garde (canne dans une main, pied avant opposé), de retirer la possibilité de toucher en flexion sauf cas très particulier ou d’imposer une vitesse d’exécution maximale m’apparaissent comme de mauvaises idées car elles suppriment des outils à disposition des tireurs pour créer du jeu et donc de l’intérêt à regarder les assauts.

Enfin un dernier point qui m’a semblé plus que discutable :

« C’est-à-dire qu’en gros la meilleure féminine elle n’a jamais jamais dépassé le quart [de finale, ndlr]. Et donc si en terme de puissance, d’accord, la puissance masculine et la puissance féminine en canne importent peu, en terme on va dire de qualité athlétique, c’est pas la même. L’agressivité de la testostérone et la capacité musculaire entrent en jeu et quand on se retrouve face à des tireurs expérimentés les féminines ne tiennent pas. C’est pas que les filles sont des faibles femmes hein. Sinon elle aura rien à faire là. On est véritablement sur un décalage qui empêche concrètement la possibilité au tireur féminin de gagner une compétition qui soit mixte. Ça n’existe pas. ça ne peut pas exister. »

Un membre éminent de la Commission Nationale, mai 2025

Ces propos sont antérieurs de quelques semaines à la 3e place obtenue par Perrine Pomies au Challenge Vétérans 2025, mais malgré cette preuve relevée lors d’une réunion, la grande majorité de la Commission a persisté dans son déni.

Sur le même sujet de la mixité, Amélie Pinel, François Pellerin et moi-même avons pris la décision de nous renseigner sur l’avis des tireures (et aussi des tireurs) sur la mixité en canne de combat. Nous avons donc pris le temps de poser des questions simples à un échantillon de cannistes (merci à celles et ceux qui se sont prêtés au jeu) et de mettre en forme ces résultats. Présenté devant la Commission Nationale, notre document a été balayé d’un revers de main méprisant, constatant avec sarcasme que « les cannistes savaient manier des outils de mise en page » sans y prêter plus d’intérêt, d’autant que des « résultats beaucoup plus parlants » allaient être révélés suite au questionnaire réalisé par la Commission.

Si vous souhaitez consulter notre mini-étude, vous pouvez la télécharger ici.

IV. Une décision difficile mais nécessaire

Fin juin, je ne me sentais déjà plus à ma place au sein de cette commission. La tension était palpable lors des réunions et je me trouvai systématiquement en opposition avec les décisions prises par la Commission. Je n’étais pas le seul, mais nous étions en grande minorité.

J’avais accepté de rejoindre la Commission Nationale CCB « pour voir », j’étais sincèrement curieux de voir quelles idées une équipe presque renouvelée pouvait proposer et comment je pourrais y contribuer. J’ai vu les premières, j’ai tiré un trait sur les secondes.

Suite à la réponse agressive de mi-septembre, j’ai conclu qu’il valait mieux que je prenne mes distances.

V. Et maintenant ?

Bien entendu, cette démission n’implique pas un désintérêt pour la discipline. Mes implications au niveau régional via la Ligue IDF de SBF&DA, du CD75 ainsi qu’au niveau des Apaches et de Canne TV perdurent. Cela va probablement même me permettre d’y consacrer plus de temps.

Si vous vous sentez de prendre le relai, une place s’est libérée. En fait trois places se sont même libérées vu que je n’étais pas le seul à poser ma démission. Avis aux amateurs et amatrices, et bon courage à vous.

Conclusion

Au final, ma démission de la Commission Nationale CCB était inéluctable. Les désaccords étaient à la fois trop profonds et trop nombreux, même en tentant d’apporter quelques changements la rupture était inévitable.

Tant pis, je pense que tout le monde était sincère dans la démarche, mais la cohabitation n’était plus possible. Plutôt que d’estimer entrer dans l’opposition, je vais poursuivre la démarche qui a toujours été mienne : partager les connaissances avec le plus grand nombre, organiser des choses pour que la canne puisse continuer à vivre, et si l’organisation au niveau national nous échappe, organisons des stages, compétitions, formations au niveau local, départemental ou régional, et laissons les autoritaires à leur opacité crasse.

crédit photo : Mantas Hesthaven